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Le peering : petite cuisine entre géants du Net

Dès les premiers jours, la Toile s'est construite sur le peering, cette pratique qui permet aux opérateurs d'interconnecter le plus souvent gratuitement leurs réseaux. Cependant, ces derniers mois, plusieurs conflits ont éclaté entre opérateurs et fournisseurs de services, illustrant, une fois de plus, les frictions récurrentes entre ces deux catégories d'acteurs.

Querelle entre OVH et SFR, brouille entre Cogent et Orange, mésentente entre Free et Google. Survenus au cours de ces derniers mois, les deux derniers conflits cités ont fait surgir sur le devant de la scène une thématique bien connue des acteurs du Net : le peering. Ce dispositif qui permet aux opérateurs, aux fournisseurs de services et aux opérateurs de transit d'interconnecter leurs réseaux fonctionne sans souci et sans esclandre... la plupart du temps. Cependant, lorsque certains - les opérateurs - voient leur bande passante furieusement consommée par d'autres - les fournisseurs de services - sans contrepartie financière, les coups de menton se multiplient.

Pour mieux comprendre de quoi l'on parle, prenons le scénario suivant : un abonné de Bouygues Telecom, par exemple, souhaite consulter une vidéo disponible sur la plate-forme de contenu telle que Dailymotion. La requête, lancée depuis la box de l'opérateur, « voyage » sur le réseau jusqu'à un point d'échange, où elle sera transférée sur le réseau de Dailymotion ou de ses prestataires, qui renverront les contenus demandés en réponse. Le voyage en sens inverse débute. Les paquets de données associés réempruntent ces « tuyaux » pour parvenir, enfin à la box. Bien sûr, l'ensemble de ce processus est transparent pour l'utilisateur, mais il implique une relation entre les différents acteurs de la chaîne.

Le peering ou, en bon français, l'échange de trafic entre deux opérateurs se trouve à l'origine du Net. « A la base, Internet, ce sont des réseaux, des numéros d'AS (Autonomous System) », explique Nicolas Guillaume, porte-parole de Cedexis, société spécialisée dans l'aiguillage de trafic. « Chaque réseau est un numéro d'AS ». Lorsque ces numéros d'AS (réseaux d'opérateurs, fournisseurs de services, hébergeurs, universités, écoles, chaînes de télévision, organismes internationaux, etc.) décident d'interconnecter leurs réseaux, ils font du peering. « Si l'on ne dispose pas de numéro d'AS, on ne peut pas s'interconnecter. (…) On peut également passer par un tiers pourvu d'un numéro d'AS, cependant, dans cette configuration, on n'est pas maître de son réseau ».

Didier Soucheyre, directeur général de Neo Telecoms revient lui aussi sur les origines du peering. « Au début, ce sont surtout les premiers opérateurs qui ont ‘peeré' (…) Dans les années 90, les opérateurs historiques possédaient des réseaux développés. Ceux qui ont commencé à se lancer dans le peering voulaient se servir de leurs réseaux pour la voix et pour la data. Il leur a suffi de tirer un câble entre leurs équipements. Un France Telecom a ainsi pu s'interconnecter avec Deutsche Telekom pour fluidifier le trafic entre les deux infrastructures » sans payer un opérateur de transit qui facturerait le passage d'un réseau à l'autre. Dans les faits, le peering reste un accord de gré à gré. Le plus souvent l'échange est équilibré. « Il faut rappeler ce principe », souligne Didier Soucheyre, « il ne s'agit pas du tout d'une opération forcée ».Plusieurs configurations de peering existent. Dans le cas d'un peering public, les différents acteurs concernés passent par un IEP (Internet Exchange Point), la partie d'une infrastructure physique qui permet aux différents propriétaires de réseau d'échanger du trafic. « C'est une sorte de carrefour des flux », précise Nicolas Guillaume. Ces IEP rendent également bien plus aisée l'interconnexion entre deux opérateurs. « On devient membre de ce point d'échange. Un opérateur ou un fournisseur de service peut demander un port payant de 1 Gbit/s et monter des sessions avec les autres membres sans frais supplémentaires ». Lorsque deux propriétaires de réseau échangent le même volume de trafic, on parle de trafic symétrique et, donc, équitable, du moins à première vue.

Le peering gratuit a bien sûr ses avantages sur le plan économique. « Quand on échange du trafic avec un opérateur, on économise », indique Rudolph Van der Berg, analyste pour l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et spécialiste des questions de télécommunications.

L'interconnexion entre opérateurs peut également être privée. Dans ce cas de figure, un fournisseur de service peut demander à un FAI de lier leurs deux réseaux. Un câble est tiré entre les routeurs des deux acteurs. La dernière configuration fait intervenir un autre acteur, l'opérateur de transit. Un opérateur de transit accepte ainsi de transporter le trafic d'un tiers vers d'autres AS. « Le contrat de transit, car il s'agit d'une connexion permanente, a un prix », explique Alexandre Pébereau, directeur en charge de l'activité opérateurs internationaux chez Orange.

Aux Etats-Unis, les datacenters neutres prédominent. Ces structures offrent un très grand choix de connectivité vers une large sélection d'opérateurs et de FAI. En outre, elles sont indépendantes de tous fournisseurs de matériel, de logiciel et de réseau. Pour l'interconnexion des réseaux, les différents opérateurs privilégient ce type de centres de données. En Europe, différentes associations ont été créées pour faire émerger de gros point d'échanges. Les villes de Londres, Amsterdam et Francfort sont devenues des autoroutes incontournables du Web.

Tag(s) : #peering